De curieuses légendes et plusieurs mystères se rattachent à ce lac glaciaire caractérisé aussi par une forme ovale parfaite et des eaux très douces.
LE VILLAGE ENGLOUTI
La légende du village maudit et englouti au fond du lac de Barbazan retrace un cataclysme. Le récit comporte des variantes, mais il s’agit toujours d’une punition divine à la suite d’un manquement grave au devoir sacré d’hospitalité.
Voici, issue du site Gallica, la version la plus littéraire, celle transcrite par le grand épigraphiste Julien Sacaze pour les besoins de sa fameuse enquête de linguistique et de toponymie des Pyrénées (1887) : « La légende de Barbazan » .
"Il y avait autrefois dans un village des Pyrénées un homme et une femme qui étaient très vieux. Ils n’avaient qu’une petite maison, un jardin et une vache. Mais, si pauvres qu’ils fussent, ils secouraient toujours ceux qui étaient plus pauvres qu’eux. Un jour, la terre était couverte de neige et il gelait à pierre fendre. Tous les gens du village se chauffaient, en mangeant et en buvant ; ils étaient riches et heureux. A l’entrée de la nuit, deux voyageurs qui venaient de loin voulurent s’arrêter dans ce lieu par ce qu’ils avaient froid et faim ; ils frappèrent à une porte, puis à une autre et à d’autres encore : personne ne voulut les laisser entrer, ni leur rien donner à manger. Chassés de partout, poursuivis par les chiens furieux, les deux étrangers ne savaient où aller, quand ils se trouvèrent à l’extrémité du village, devant la maison de cet homme et de cette femme qui étaient pauvres. En entendant leurs plaintes, le mari s’était mis à la fenêtre pour les appeler et sa femme était aller vite ouvrir la porte. Sans leur demander qui ils étaient, ils les firent entrer et s’asseoir à leur foyer ; puis ils leur servirent du lait et quelques châtaignes, tout ce qu’ils avaient. Mais alors, Notre Seigneur – c’était lui avec Saint-Pierre – se leva, la tête toute brillante et il leur dit : « Vous autres, vous êtes pauvres et bons ; vos voisins sont riches et méchants. Que la justice de dieu se fasse ». Aussitôt la terre trembla, Jésus et Saint-Pierre disparurent et les deux vieillards tombèrent à genoux … Le lendemain matin, quand ils voulurent aller au village, pour savoir ce qui s’était passé, ils ne virent aucune maison : à leur place il y avait un lac, celui qui se trouve encore aujourd’hui entre le village de Barbazan et la ville de Saint-Bertrand de Comminges. "
Parfois, suivant les variantes, on ne parle pas de Jésus et de Saint-Pierre mais d’un simple mendiant à qui une galette, du pain, a été offert. Et l’on conte aussi que la femme hospitalière, péchant par curiosité, aurait été pétrifiée, telle la femme de Loth se retournant pour voir la destruction de Sodome et Gomorrhe, et serait devenue la « Peyre Majou », rocher qui est situé à l’ouest du lac. Seuls survivent les habitants de la maison charitable. Toutes les familles inhospitalières sont entièrement décimées, noyées, donc les enfants compris. Le sort est identique pour les animaux. Le châtiment peut de ce point de vue paraître cruel et aveugle.
La même trame légendaire expliquant l’origine cataclysmique d’un lac se retrouve dans maints endroits des Pyrénées (lac Mouriscot, lac d’Astanès, lac de Lourdes, lac Bleu, lac de Bordères, étang de Lers, étang d’Artats, lac d’Engolasters), dans le Massif central (par exemple, lac Pavin) ou les Alpes (par exemple, lac de Paladru).
Ce type de récit s’inscrit bien sûr dans la tradition du Déluge, mythe universel et qui ne se limite pas, loin de là, au seul texte biblique. Plus spécialement, la version proposée par Julien Sacaze s’apparente beaucoup à l’histoire de Philémon et Baucis (mythologie grecque et romaine).
SALOME
Cette autre légende est moins connue en Comminges.
Selon un texte apocryphe, la Lettre d'Hérode à Pilate, Salomé (fille d'Hérodiade) mourut en passant sur un lac glacé : la glace se brisa et elle tomba jusqu'au cou dans l'eau. La glace se reforma autour de son cou, laissant apparaître sa tête comme posée sur un plateau d'argent. On situe généralement cette légende au lac de Barbazan.
L’ARCHANGE MICHEL, SAINT PATRON DE BARBAZAN
Une chapelle bâtie autrefois tout près du lac et d’une source aurait été dédiée à l’archange chef des armées célestes.
Depuis les hauteurs, une statue qui représente saint Michel terrassant le Démon veille aujourd’hui encore sur le village et le lac.
DES PIERRES PAÏENNES JETEES AU FOND DU LAC ?
N’oublions pas que Barbazan se trouve à proximité de Saint-Bertrand-de-Comminges, c’est-à-dire Lugdunum, place importante, capitale des Convènes dans l’Antiquité.
Une hypothèse fort crédible a été émise, apportant un bon éclairage aux légendes. Lors de la christianisation du Comminges, de nombreuses pierres gallo-romaines (autels votifs, stèles, auges) ont pu être immergées pour s’en débarrasser une fois pour toutes dans le lac.
L’engloutissement punitif correspondrait ainsi à celui de symboles des cultes païens ayant précédé le christianisme.
ENIGMES DE LA NATURE
Un certain nombre de particularités ou phénomènes étranges ont été rapportés au sujet du lac et de ses abords.
• La profondeur maximale du lac resterait aujourd’hui encore inconnue.
• Son mode d’alimentation serait toujours inexpliqué.
• Via quelque source cachée sous le lac, l’eau thermale de Barbazan s’y écoulerait peut-être.
• Le lac garderait tout au long de l’année exactement le même niveau.
• Selon une croyance populaire bien établie avant la Révolution, le lac communiquerait avec l’océan. Pour preuve, on y aurait trouvé des poissons marins.
• Il se serait pêché jadis dans le lac des anguilles « monstrueuses », poissons serpentiformes.
• Parfois, tel jour de grand beau temps, la surface du lac s’agiterait sans aucune raison apparente. Cela annoncerait l’arrivée d’une perturbation océanique.
• Les terrains marécageux entourant le lac demeureraient extrêmement meubles, même en période de forte sécheresse.
• L’aspect de la végétation du bord du lac servirait d’indicateur absolument sûr pour prévoir une année fertile ou pas.
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